oct. 18, 2024

Laurence Deonna

Laurence Deonna, écrivaine Suisse: «Pendant tout le temps du communisme c'était pour nous un gros nuage noir sur la carte de géographie»

- L'écriture, journalisme et des photos... quelles ont joué le premier rôle dans votre vie?

- Avant d'être reportée, j'ai fait beaucoup de métiers. J'ai travaillé notamment dans une galerie de tableaux internationale. Mais j’ai choisi l’écriture finalement. Parce qu'à travers l’écriture on peut dire ses sentiments. J’aime bien l’image mais je trouve que pour le sentiment l'écriture est mieux. Je viens d’une famille très engagée dans la politique. Mon père était un grand politique. J'ai baigné tous ma vie dans la politique. L'écriture et la politique ont débouché sur le reportage. J’ai commencé le reportage en 1967, lors de la guerre entre l’Israël et les pays Arabes. Mon premier reportage, j’avais pas un centime! Mais quand on veut, on peut. Je me suis débrouillée. J’ai trouvé un billet d’avion. Dès que j'ai été sur place j’ai senti ça c’est ma route, c'est ça ma voie. Et depuis je n'ai jamais arrêté. J’ai couvert l’Iran, la Syrie, l’Irak le Yémen etc. J’ai fait beaucoup de livres et de films. Je choisis toujours des pays difficiles. Je suis en train d’écrire mon treizième livre, de mes mémoires. Je n'ai jamais écrit de romans d'amour, je préfère les vivre moi-même. J'ai écrit des essais. J'ai traduit beaucoup de poèmes. J’ai fait aussi beaucoup d’expositions de photos. J’étais en Asie Centrale du temps de Gorbatchev. J'aime beaucoup cette région. J’ai fait des reportages à Achkhabad, à Douchanbé, à Tachkent, à Bakou et Tbilissi. Après la chute de l'URSS, je me suis dit que ça serait intéressant d’aller voir de l’Asie Centrale. Evidemment, l’Asie Centrale c’est immense. Si j’ai choisi finalement d'écrire un livre sur le Kazakhstan, c'est parce que ce pays est très intéressant historiquement et que on en parle très peut. J'ai écrit un longue chapitre dans ce livre sur les Allemandes du Kazakhstan. Beaucoup d'allemandes sont arrivées pendent la Deuxième guerre mondiale, envoyées par Staline dans le Goulag, de Karaganda.

- Et vous êtes aussi photographe?

-En effet, j’ai fait beaucoup d’expositions à New-York, au Canada, à Paris, à Genève, à Rome etc. On dit que je fais de magnifiques photos, mais aucune photo ne me donnera jamais le plaisir d’une belle phrase, jamais.

- Pourquoi vous êtes-vous intéressée à l'URSS?

- L’Union Soviétique était pour moi une « Terra incognito » Une terre inconnue et ça. Pendant tout le temps du communisme c'était pour nous un gros nuage noir sur la carte de géographie. On ne savait pas très bien ce qui se passait. C’était mystérieux. J’ai toujours pensé que l’idéologie communiste à la base, était une belle idée. Mais malheureusement dans la pratique le résultat n'a pas été formidable. Ceci dit, il y avait des bons côtés dans le communisme, comme l'éducation.

J’ai toujours été très intéressée par les pays de l’islam. J'ai été en Amérique du Sud, mais ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas mon biotope. Le monde Arabe, l'Asie Centrale, la Perse me touchent.

Mais, L’Union Soviétique avait aussi des côtés noirs. J'avais un oncle qui était le Chambellan du roi de Roumanie. En 1947, il a été arrêté par les Soviétiques à Bucarest et il est resté 10 ans dans un cachot sans jamais voir une personne. Après, il a été envoyé 7 ans dans un Goulag. Tout ça parce qu’il était un aristocrate. Après sa libération et nous l'avons acheté au gouvernement Roumaine pour 62 000 dollars.

- Donc vous avez été contente de la chute de l’Union Soviétique ?

- Oui, Il a eu un immense bonheur quand le mur la Berlin est tombé en novembre 1989. Mais la réalité économique est une autre réalité que la réalité sentimentale. Ce mariage économique a été très dur pour les Allemand de l'Est. Et ça l'est encore aujourd’hui.

Ceci dit la liberté, liberté c’est très bien. Mais le fait que les Etats-Unis d'Amérique soient la seule grande puissance sur la planète n'est pas une bonne chose. C'est un problème immense et extrêmement complexe. Evidement que j'étais contente que l'Union Soviétique soit tombée mais dans quelles conditions? La corruption est endémique... J'ai vu au Kazakhstan de vieilles femmes qui vendaient sur le trottoir en plein hiver une tasse, une assiette... Et ce Nazarbaïev et sa fille qui achètent une villa à Genève pour 72 millions de francs, alors que dans leur pays des gens crèvent.

- Que pensez-vous des journalistes en général?

- Je disais l'autre jour à un journaliste américain qu'on ne peut pas comprendre un pays sans connaitre son passé? Nous vivons ici dans une Europe qui n'a pas connu que des guerres pendant des siècles. Et la Suisse est un pays tout à fait particulier. La Suisse est une sorte de miracle. Pour quelle raison? Parce que c'est le seul pays au monde où les différentes régions ont demandé elles-mêmes à adhérer, alors que les autres pays ont été fabriqués par des guerres. C'est tout a fait différent. La Suisse allemande économiquement (70% de population) est la plus forte. (20% de francophones et le reste - des Italianophones) La Suisse est un mariage de raison, ce n'est pas un mariage de sentiments. C'est d'ailleurs difficile, un si petit pays avec quatre langues: allemand, français, italien et le très minoritaire rethoromanche.

- Quelles langues parlez-vous vous-mêmes?

En plus du français je parle l'anglais, l'espagnol, l'italien, l'allemand et un peu d'arabe. Le multilinguisme est une grande richesse. Les américains qui ne parlent qu'une seule langue et se croient partout chez eux ne se rendent pas compte combien c'est appauvrissant. En Europe il y a 17 langues. Et ne pas petite langue c'est grand langues. Parler une seule langue c'est une pauvreté de l'esprit. Parce que chaque langue est un monde.

- Et que pensez-vous de la liberté de parole?

- La liberté de parole est une chose relativement récente. Chez vous dans tous les pays de l'Asie centrale, la liberté de parole est une chose nouvelle et vous avez les Khans. Ici, en Suisse, c'est mieux mais croyez-moi, ce n'est pas parfait. Il i y a des sujets tabous.

- Existe-t-il au monde un pays la liberté d'expression est totale? La France, l'Italie, l'Allemagne, les Etats-Unis?

- Non. Même pas les Etats-Unis, c'est une mentalité de cowboy. L'Europe et les Etats-Unis sont complètement différents. C'est incomparable. L'Europe ce sont endroit des architectures, des cultures. Amérique n'est pas raffinée. Dommage, qu'aujourd'hui tout soit américanisé.

-Pendant votre vie de reporter avez-vous eu des menaces?

- Et comment! J'ai même été arrêtée en Syrie, en Irak, en Iran. Quand je suis rentrée à Genève en 1967 j'ai été menacée, parce que j'étais pro palestinienne. Je suis connue comme une personne qui a toujours soutenu la Palestine. J'ai eu très, très peur en Iran. J'ai été arrêté à Machhad, vers la frontière entre L'Iran et Afghanistan. Je faisais un reportage sur les Afghans qui se réfugiaient en Iran, La sécurité m'a mise dans une voiture et m'a enfermée dans une cave. J'ai cru que je ne sortirais jamais de là...Heureusement que j'avais une guide iranienne très intelligente. C’était un endroit horrible.

-Vous vous intéressez au féminisme?

- Oui, depuis toujours et je continuerai jusqu'à la mort. La Suisse sur sept ministres, compte quatre femmes. C'est une belle image. Je suis très contente. C'est formidable. Mais dans le véritable pouvoir, économique industriel, pouvoir il n'y a presque que des hommes.

-En Suisse, les femmes ont eu le droit de vote seulement en 1971, n'est-ce pas?

- Oui. Mais pourquoi? Si tard? Personne ne comprend le vraiment le système politique Suisse. Contrairement a tous les autre pays du monde, où c'est le parlement qui a accordé le vote aux femmes, en Suisse, il s'agissait d'un un vote populaire. Tous les hommes de la Suisse votaient oui ou non.

- Vous êtes fière de votre pays?

- Tout le monde aime son pays. Plus que le pays lui-même, ce sont les gens qui l'ont fait que j'admire. Ceci dit que n'aime pas le nationalisme c'est une vraie maladie. Moi, comme écrivaine, je me sens plus proche d'une femme écrivaine ou journaliste au Kirghizistan ou Argentine, que cette dame qui vit à côté de chez moi, qui a le même passeport, la même langue, la même couleur de peau.

- A votre avis, qu'est qui a changé de la société plus qu'autre chose?

- La technique, les techniques, plus que les idéologies.

Zhenishbek Edigeev, journaliste du Kirghizistan

edigeevj@gmail.com

Zhenishbek Edigeev

Président de l'Association "Alpalatoo"

Le siège principal de l'Association "Alpalatoo" est situé dans la ville de Genève, avec une succursale dans la capitale du Kirghizistan, à Bichkek.

Adresse : Ville de Genève, 24 rue Chemin de Beau-Soleil 1206